Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pour une philosophie de l'éducation
Pages
Archives
Newsletter
5 mai 2023

La triade prodigieuse (2)

Questions de méthode

 Les possibles

Piclin

1 Les nécessités

La triade évoquée précédemment requiert la réalisation d’une tâche commune : elle a pour mission d’aider à dépasser les cloisonnements ou les inerties. Elle joue en elle-même un rôle de régulation, qui ne peut être tenue de manière magistrale ou juridique. Elle vise à mettre les questions d’éducation en perspective dynamique : à la fois dans l’historicité, comme dans la distance de la conscience critique.

Ce faisant, elle prend valeur praxéologique en elle-même.

Nous voici à l’opposé du déversoir idéologique, des paraphrases convenues, des déclarations vertueuses, des mises en scène du moi. C’est au contraire un préalable à de nouvelles solidarités de pensée, à des efficacités encore inexplorées.

La logique de la « triade » peut-elle alors répondre à quelques béances de la pratique éducative ? Il existe en effet un « vide », un ensemble d’« intervalles », entre les masses discursives, les niveaux d’énonciation, les postures, les fonctions. Ce qui participe du blocage dans une doxa liée à l’incapacité de « changer de logiciel ». C’est là une question difficile : c’est de ce vide même qu’il s’agit de se préoccuper, c’est de cette ellipse de la pensée de l’action éducative que nous devons rendre compte.

 

2 Les dispositions

La rencontre “triade” entre niveaux et partenaires opère pour la méthode selon des termes de transdisciplinarité et de coopération. Chacun des parties prenantes s’enorgueillit des autres, sachant… qu’on ne peut tout savoir, ni disserter d’un domaine qu’on connaît mal, ni pratiquer intelligemment sans recul.

L’enrichissement espéré ici émane d‘une alliance : si la formation intercède, la philosophie agit, l’anthropologie informe. La pédagogie peut-elle retrouver là les moyens de sa logique propre, et de sa pensée[1] ?  Chaque instance évolue voire, se convertit, en raison des flux de l’échange. Les figures de cette coopération sont celles de la coexpérience, de la confrontation. Les tâches, associatives, visent à réconcilier, à examiner avec la plus grande sagacité les fossés, ellipses, intervalles, dont l’imaginaire excite le débat, mais sans dépassement. Les outils sont ceux d’un attelage, la méthode relève d’une reliance spécifique.

Chaque fois que cette réunion s’est produite, les conséquences en ont été bénéfiques[2]. Il faut donc s’interroger aux « conditions nécessaires ». Celle de l’état d’esprit est insuffisante. Seules des mesures dans l’action garantiront le bien-fondé de la démarche. La triade dont il est ici fait état est en effet un principe d’action, une « une constante » d’ordre méthodologique, qui peut « trouver lieu » informel et formel, par exemple dans des espaces éditoriaux ou des officines actives… Pour se prévenir des dérives doxiques ou technicistes, pour remettre sans cesse en jeu le sens du travail éducatif, pour interroger son indépendance par rapport aux injonctions d’un système de pouvoir, économique ou idéologique, pour dépasser les nouveaux communautarismes, il est nécessaire de donner lieu à une telle instance réflexive. A la fois « extérieure », nécessaire, mais aussi « commune », indispensable. La prise de sens provient alors non plus d’une entreprise linéaire au sein d’un système, selon un schéma bloqué (et ce serait déjà pas mal de revenir à ces fondamentaux), mais dans la mobilité elle-même du questionnement commun.

 

3 Le facteur humain

Dans une conjoncture où c’est à la situation politique et à la « refondation » que s’attachent les médias scolaires et les corps intermédiaires, sans doute faut-il rappeler que tout ne tient pas aux structures préétablies, mais que les institutions peuvent, si elles en décident, favoriser le développement ou l’émergence de pratiques actives de veille et d’incitations. Ce qui a fait le succès des expériences réussies dans ce sens a toujours tenu à la qualité des présupposés de l’action, à l’effectivité des principes, et à la coopération lorsqu’elle est menée avec audace et ténacité. La tripartition ici envisagée convoque ainsi des « expressions de nous-mêmes » au sein de notre propre artefact.

Si prodige il y a, c’est simplement celui du facteur « humain » : les flux dynamiques entre les trois pôles sont portés par des actes, ou bien les suscitent.

Il s’agit d’abord d’un état d’esprit, d’un engagement. Celui-ci ne peut se décréter. Chacun, avec ses capacités d’expertise (ses « compétences »), sa conviction (c’est à dire sa foi et sa persuasion rationnelle), sa déontologie (chaque intervenant devant faire preuve de « crédibilité ») ; chaque groupe, avec ses forces.

Il s’agit ensuite d’un « travail de la pensée » comme on travaille sur soi pour progresser, ne pas s’en tenir là, et ne pas se laisser aller. Et surtout, comme on ne travaille pas seul : le temps des grands penseurs est peut-être révolu, au moins pour ce qui concerne la capacité de maitrise des ensembles gigantesques dont la pensée doit aujourd’hui tenir et rendre compte.   

Enfin, il est question de la capacité à se penser mésologiquement, de la mise en situation et de la mise en jeu : car tout ce « travail » constitue un risque, celui de mal supporter les dépassements qui inévitablement ont lieu et bousculent l’ordre établi.  

C’est là un « dispositif collaboratif intelligent » Outre sa vocation à traiter avec le plus de sérieux possible des problèmes qui se posent réellement, et à mener efficacement les actions nécessaires, il est destiné à ménager des lieux d’émergence éventuelle de découvertes – et il est de fortes chances que la sérendipité ajoute de belles surprises aux avancées attendues par le plan de travail.

 Imaginons donc un moment que nous sommes capables de mobiliser ici nos énergies.

 

 

 


[1] v. La pédagogie pense, La triade prodigieuse, 1. Paradoxalement, elle pense d’autant plus qu’elle n’est pas déréalisée dans le discours qui est censé la porter.

[2] Les situations que nous avons éprouvées ou dont nous avons eu connaissance étaient éphémères et les exemples sont inactuels.

 

Publicité
Commentaires
Publicité